Introduction
Définition
Versification: n.f., ensemble des règles
qui, dans une langue donnée, déterminent la structure
interne des vers et des ensembles qu'ils constituent. Les règles
qui déterminent la forme des vers - et, par-là, leur
opposition à la prose - varient considérablement selon
les langues. Le grec et le latin utilisaient comme fondement de leur
versification l'opposition - linguistiquement pertinente - des syllabes
longues aux syllabes brèves. Des groupements de deux, trois
ou quatre syllabes alternativement longues et brèves constituaient
des pieds (par exemple, le dactyle et le trochée), qui, eux-mêmes
groupés, formaient des types de vers, par exemple l'hexamètre
dactylique. Les langues germaniques, qui possèdent un accent
de mot fort, ont fondé leur versification classique sur l'opposition
des syllabes accentuées aux syllabes non accentuées.
La
versification française.
Les éléments linguistiques
qui sont utilisés pour constituer les règles de la versification
française sont les suivants :
1°) -
L ' isosyllabie :
les vers successifs d'un texte poétique
ont normalement le même nombre de syllabes (l'alexandrin de
la tragédie, l'octosyllabe ou le décasyllabe de la
ballade). Quand ce n'est pas le cas, la variation dans le nombre
des syllabes apparaît immédiatement à l'oreille
et à l'il. Elle est programmée par une règle
préalablement donnée (le refrain du rondeau) ou spécialement
instituée pour le poème (les Fables, de La Fontaine).
L'isosyllabie suppose une technique du compte des syllabes qui,
dans l'acception traditionnelle du mot, constitue la prosodie (qu'on
ne confondra pas avec le sens qu'a pris ce mot en linguistique moderne).
La prosodie française comporte deux difficultés particulières
: le statut - syllabique ou non - à conférer à
l'e traditionnellement dit muet - qui, précisément,
ne l'est pas toujours ; et le sort à réserver aux
groupements d'une semi-consonne et d'une voyelle : ils peuvent,
selon le cas, donner lieu à la synérèse ou
à la diérèse - et fournir ainsi une ou deux
syllabes.
2°) Les
phénomènes d'homophonie
:
la versification classique utilise
la rime, qui est souvent analysée par les théoriciens
de la versification comme signal (à vrai dire redondant)
de fin de vers. La rime joue un rôle important dans la constitution
des strophes, dont elle assure l'unité par sa disposition
programmée (par exemple dans le sonnet). Dans l'histoire
de la versification française, la rime a été
précédée par l'assonance.
3°) Le
rythme
:
il est constitué par le retour
des accents à des intervalles perceptibles. Chacun des accents
détermine un groupe accentuel d'une longueur variable. Le
nombre et le volume dans le vers de ces groupes accentuels en spécifient
le rythme : un alexandrin comportant quatre groupes accentuels de
trois syllabes fera entendre un rythme fondamentalement différent
d'un alexandrin comportant trois groupes de quatre syllabes.
4°) Les
relations entre le vers et la phrase
:
les deux unités peuvent
coïncider de façon parfaite. Elles peuvent au contraire
présenter des discordances, connues sous les noms de rejet,
contre-rejet, enjambement, susceptibles de donner lieu à
des effets poétiques.
Les règles qui viennent
d'être décrites sont fondamentalement celles de la versification
classique. Dès l'époque romantique, certaines règles
prosodiques (déjà timidement contestées par les
classiques) ont été délibérément
enfreintes.
D'autre part, des pratiques métriques nouvelles (le vers libre,
le verset, etc.) sont apparues.
La
versification française, évolution :
L'origine
du vers français
La versification française
est sortie de la versification latine, tout comme la langue française
est issue de la langue latine vulgaire.
Dans nos plus anciens poèmes français le vers peut
se définir ainsi :
un élément
linguistique comptant un nombre déterminé de syllabes,
dont certaines sont obligatoirement accentuées et dont la
dernière assone avec la syllabe correspondante d'un ou de
plusieurs vers.
Si l'on remplaçait éventuellement dans
cette définition le mot " assone " par le mot " rime ", elle
resterait une description extérieure assez exacte du vers
français de toutes les époques, mais sans rendre compte
de sa nature intime, qui s'est profondément modifiée
au cours des siècles.
les
plus anciens vers français:
les premiers vers qui
figurent dans nos plus anciens " monuments littéraires "
sont le vers de 8 syllabes et celui de 10, puis celui de 12. les
autres formes de vers n'étant apparues que plus tard.
Dans tous les vers français, la dernière syllabe qui
compte est obligatoirement une syllabe accentuée. Pour le
vers de 10 syllabes, la quatrième et quelquefois la sixième
étaient également accentuées, et suivies de
la " césure ". pour le vers de 12 syllabes, il s'agissait
de la sixième. Le vers de 8 syllabes n'a pas de césure,
la quatrième étant généralement accentuée
bien que ce ne soit pas nécessaire.
évolution:
Le Romantisme, puis les autres écoles
poétiques du XIXe siècle et du XXe, croyant se "libérer"
des règles très rigides qu'on avait imposées
à la versification au XVIIe siècle, permirent plutôt
à la poésie de se fonder aussi sur le respect de nouveaux
systèmes de règles (graphiques, grammaticaux, hypertextuels
etc.) qui lui ouvrent des possibilités esthétiques et
sémiotiques inexplorées.
Et ces possibilités s'ouvrent non seulement à la poésie
mais aussi à tous les genres littéraires, qui, même
s'ils s'appuient sur un système de règles plus souples,
sont, comme la poésie, des moyens de découvrir de nouveaux
gisements de formes linguistiques.
Car on découvrit ainsi ce qu'on pourrait appeler l'essence
de l'art littéraire qui s'applique à la langue dans
sa totalité (et non pas seulement aux éléments
de la langue qui sont pertinents pour la communication) et en développe
jusqu'à le rendre visible, voire seul visible, le fonctionnement
fondamental.
L'art littéraire arrive donc ainsi à "innerver" et à
"muscler" la langue : il arrive par exemple, en intégrant à
sa pratique, dans le roman, les langages sociaux marginaux, ignorés,
désuets, provinciaux, locaux, intimes, spécialisés
ou étrangers, à étendre les possibilités
perceptives, conceptuelles, intellectuelles et scientifiques de la
langue.