Le
pantoum
Définition:
pantoum ou pantoun,
n.m., poème d'origine malaise à forme fixe.
Adapté en France par les poètes romantiques, il est
composé de quatrains à rimes croisées, dont le
deuxième et le quatrième vers sont repris comme premier
et troisième vers du quatrain suivant.
Hugo, Baudelaire, Leconte de Lisle, Banville ou Verlaine ont écrit
des pantoums.
Deux thèmes y sont traités parallèlement, l'un
dans les deux premiers vers, l'autre dans les deux derniers de chaque
strophe.
Le pantoum est tout moderne
en français.
L'idée en fut suggérée par la traduction d'un
pantoum ou chant malais que V. Hugo donna dans les notes des
Orientales en 1829, et dont Th. Gautier ne tarda pas à
faire une imitation en vers.
Mais ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard qu'on tenta
d'acclimater ce poème dans notre langue.
Il est écrit en strophes de quatre vers à rimes croisées
construites de telle sorte que le deuxième et le quatrième
vers de chacune passent dans la suivante pour en former le premier
et le troisième vers; le premier vers de la pièce doit
en outre revenir à la fin, comme dernier vers.
Telle est la structure matérielle du poème, mais ce
ne sont pas ces répétitions qui en constituent la particularité
vraiment originale; il développe dans chaque strophe, et d'un
bout à l'autre, deux idées différentes, l'une
remplissant les deux premiers vers de chaque strophe et l'autre les
deux derniers.
Généralement la première est plutôt extérieure
et pittoresque, l'autre intime et morale.
Ces deux idées n'ont rien de commun, mais il est facile de
comprendre quels effets un poète peut tirer de la poursuite
de ces deux motifs différents, de ces deux antithèses
continuellement parallèles, qui se lient tout en s'opposant.
Voici un pantoum (Harmonie du soir) de Charles Baudelaire:
Voici venir les temps où
vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir,
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Chaque fleur s'évapore ainsi
qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un
coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant
vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Son souvenir en moi luit comme un ostensoir!
Le
sonnet
Définition:
Sonnet, n.m., poème de quatorze
vers à forme fixe. Le sonnet est composé de deux quatrains
(strophes de quatre vers) et de deux tercets (strophes de trois vers).
Les vers, en général des alexandrins, obéissent
ordinairement, pour les rimes, à la disposition suivante : abba-abba-ccd-ede
ou eed. D'origine italienne, le sonnet
fut particulièrement développé par Pétrarque,
puis il se répandit en Europe. Sa forme est étroitement
liée au lyrisme amoureux, par exemple dans les sonnets de Shakespeare,
dans ceux de Du Bellay et de Ronsard. Après une éclipse
au XVIIIe siècle, le genre du sonnet retrouva sa vogue avec les
romantiques et surtout les parnassiens et les symbolistes (Théophile
Gautier, Baudelaire, Nerval, Leconte de Lisle, Heredia, Mallarmé).
Le sonnet, poème à forme
fixe de la littérature française, a été
l'objet à diverses époques et en particulier dans la nôtre
d'une prédilection très marquée.
Originaire d'Italie il n'est entré dans notre poésie qu'au
XVI° siècle; mais il y a eu tout de suite un grand succès,
qui s'est maintenu au XVII° siècle, pour reprendre au XIX°
après une éclipse pendant tout le XVIII°. Il est
toujours très cultivé, bien qu'il lui arrive trop souvent,
comme à la plupart des petits poèmes à forme fixe,
de masquer l'absence d'inspiration sous des observances quasi mécaniques.
Il se compose de quatorze vers, divisés en deux strophes de quatre
vers sur deux rimes, et une de six vers sur trois rimes. La disposition
des rimes doit être la même dans les deux strophes de quatre
vers; elles y sont généralement embrassées et quelquefois
croisées. pour la strophe de six vers, on a coutume de la séparer
sur le papier en deux tercets, mais c'est en réalité une
strophe unique, et la disposition de ses rimes est régie par
les mêmes règles que dans toute strophe de six vers. On
donne ordinairement, mais sans raison sérieuse le nom de réguliers
aux sonnets dont les strophes de quatre vers sont construites sur les
mêmes rimes embrassées de la même manière,
et dont la strophe de six vers se compose de deux vers à rimes
plates, suivis de quatre vers à rime croisée.
Le sonnet, malgré son étendue très limitée,
peut aborder tous les sujets, prendre tous les tons, et rien ne l'empêche
de renfermer la poésie la plus haute comme ceux de Heredia.
Il s'écrit encore des sonnets de nos jours. Même après
des siècles d'existence, le sonnet n'est pas considéré
comme un genre périmé.
Auteurs
et oeuvres.
Cavalcanti (1255-1300), Rimes.
Dante (1265-1321), Vita Nuova.
Pétrarque (1304-1374), Canzoniere.
Joachim du Bellay (1522-1560), les Regrets.
Pierre de Ronsard (1524-1585), les Amours.
Camoens (1524-1580), Poésies.
Gongora (1561-1627), les Solitudes.
Shakespeare (1564-1616), Sonnets.
John Donne (1573-1631), Sonnets sacrés.
Nerval (1808-1855), les Chimères.
Baudelaire, (1821-1867), les Fleurs du mal.
Mallarmé (1842-1898), Poésies.
Rimbaud (1854-1891), Poésies.
Rainer Maria Rilke (1875-1926), les Sonnets à Orphée.
Wallace Stevens (1879-1955), Poésies complètes.
Robert Marteau (1925-), Élégie.
Sa forme régulière, symétrique
et contraignante favorise la précision, la concision et la suggestion
(Baudelaire: "Parce que la forme est contraignante, l'idée jaillit
plus intense"); elle empêche le poète de céder aux
facilités du lyrisme.
Les rimes et le mouvement des strophes permettent des jeux d'oppositions
et de correspondances qui expriment les tensions, la complexité
de la vie intérieure du poète. Le sonnet est donc caractérisé
par une forte cohérence interne. En outre, il peut y avoir une
parfaite concordance entre le contenu et la forme.
Depuis Pétrarque, le sonnet a presque constamment joui d'un grand
prestige. Il s'agit sans doute du genre littéraire qui s'est
le plus pratiqué en Occident durant les cinq derniers siècles
(on estime à 45 000 le nombre de sonnets qui ont été
publiés en France, au XVIe siècle seulement).
Beaucoup de grands écrivains de la littérature universelle
ont écrit des sonnets. Cependant, aucun poète n'a pratiqué
ce genre littéraire d'une manière exclusive. L'extraordinaire
popularité du sonnet tient en partie à sa forme fixe,
qui fait de lui un moule commode pour les poètes sans inspiration.
On s'en est servi souvent pour des poèmes de circonstance.
Le sonnet s'adresse à un public de choix, capable d'apprécier
les richesses et les nuances du vers et de la rime; c'est un genre noble.
C'est pourquoi les sonnettistes ont été longtemps des
poètes de cours et de châteaux (au XVIIe siècle,
ils étaient très populaires dans les salons).
Le sonnet a joué un grand rôle dans la définition
d'une nouvelle poésie en France à la Renaissance (avec
la Pléiade) et surtout au XIXe siècle. Baudelaire, et
à sa suite Verlaine, Mallarmé et Rimbaud ont réintroduit
en poésie le sonnet que le Siècle des Lumières
avait dédaigné, et lui ont fait subir des transformations
majeures (dislocation du vers et nouvelle disposition des rimes) dans
le but d'exprimer une nouvelle conception du monde.
Malgré les variations sur la disposition des rimes et des strophes,
le sonnet a conservé à peu près la même forme
à travers les siècles. Son contenu cependant présente
une grande diversité: le sonnet est la plupart du temps sentimental
(c'est- à-dire qu'il exprime les états d'âme d'un
individu), mais il peut aussi être satirique, politique, moral,
religieux, réaliste, burlesque. Deux grands moments du sonnet:
à la Renaissance, avec les poètes de La Pléiade;
au XIXe siècle, de Baudelaire à Mallarmé, après
environ deux siècles d'éclipse relative.
Le sonnet continue d'être pratiqué au XXe siècle
par des poètes comme Louis Aragon et Philippe Jaccottet.
En 1992, un important recueil de sonnets a été publié
en France: il s'agit de Liturgie de Robert Marteau. Ce sont des sonnets
assez libres dans leur forme (ex.: il n'y a pas toujours de rimes).
Le fait d'écrire des sonnets à la fin du XXe siècle
est fortement significatif: cela marque une prise de position contre
les principes de l'écriture poétique moderne: rupture
avec le passé, absence d'unité et de continuité,
etc.
J.-M. de Heredia porta le sonnet à
un haut degré d'expression et de perfection.
Voici un des plus célèbres sonnets du poète des
Trophées :
Comme un vol de gerfauts hors
du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le
fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.
Chaque soir, espérant des
lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré;
Ou, penchés à l'avant
des blanches caravelles,
lis regardaient monter dans un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
Suite:
Le
poème lyrique