L'aube,
ou l'alba chez les troubadours.
Genre défini par un thème plus que par une forme: celui
de la séparation des amants à l'aube, après une
nuit d'amour.
Le poème met en scène la plupart du temps les deux amants
et le guetteur ou veilleur, qui les protège des importuns et
leur annonce le lever du jour. Souvent, les trois personnages prennent
la parole à tour de rôle, les amants pour exprimer leurs
regrets et leurs espoirs, le guetteur pour prévenir les amants;
il arrive parfois que le poème ne donne la parole qu'à
un des personnages.
Parmi les rares aubes qui nous sont parvenues, un certain nombre présentent
un caractère courtois: les amants, une dame et un chevalier,
se rencontrent en secret la nuit, à l'insu du mari, dans un
décor seigneurial, et le guetteur est chargé de surveiller
les espions du mari. L'aube est souvent composée de couplets
et de refrains.
L'aube a sans doute une origine populaire: les "chansons de femme",
monologues accompagnés de musique où une femme relatait
sa vie amoureuse.
Le genre de l'aube est à l'origine du Tagelied pratiqué
par les Minnesänger allemands. Shakespeare a repris le thème
de la séparation des amants dans une scène célèbre
de Roméo et Juliette.
L
' élégie
Du grec elegeia, « chant de deuil
», terme qui s'applique, dans l'Antiquité, à tout
poème alternant hexamètres et pentamètres (vers
élégiaques) ; Catulle, Tibulle, Properce et Ovide s'y
illustrèrent.
Genre poétique
qui se définit par son contenu plutôt que par sa forme.
Origines
L'élégie, comme tout genre
lyrique, est issue des prières et des hymnes religieux. L'élégie
s'est renouvelée à la Renaissance en empruntant à
la complainte (voir dossier portant sur ce genre): expression de plaintes
et regrets, déploration d'un mort dans le but de susciter la
pitié.
Au début, dans l'Antiquité, le terme elegia désigne
seulement une forme: c'est un poème composé de distiques
élégiaques (un hexamètre et un pentamètre).
Les sujets de ces elegia sont variés mais impersonnels: il
est question de morale, de guerre, de politique, etc. (voir élégies
de Callinos, Tyrtée et Solon); la subjectivité du locuteur
demeure toujours en retrait; ce qui importe avant tout, c'est le message
politique ou l'enseignement moral; les références à
la mythologie sont nombreuses. Par la suite, à partir du IIIe
siècle av. J.-C., des poètes comme Callimaque et Philétas
commencent à utiliser le distique élégiaque pour
dire le sentiment amoureux.
C'est avec les poètes latins de l'époque d'Auguste (Gallus
et Tibulle, entre autres), mais surtout avec les poètes de
la Renaissance que l'élégie définit ses contours.
Voici ses principales caractéristiques, qui resteront à
peu près les mêmes à travers les siècles:
le sujet consiste en l'expression de sentiments
intimes: joies et surtout peines liées à l'amour, douleurs
de l'exil, angoisse du temps qui fuit, peur de la mort, etc.; le ton
est tendre et mélancolique (l'élégie est la plupart
du temps une plainte); la subjectivité est fortement marquée
(tout, le monde, la nature, l'Autre, existe en fonction du JE); les
allusions à la mythologie sont courantes; la nature est omniprésente
et est très souvent idéalisée (voir aussi l'églogue);
le poème est presque toujours lié à un destinataire
(indiqué parfois dans le titre), qui est à l'origine
de la souffrance du poète; le destinataire est souvent associé
à la nature; le développement est ample et pathétique;
la forme, même si elle varie beaucoup, est toujours harmonieuse
et symétrique; le travail du poète sur le rythme, les
sonorités et les images vise toujours à produire une
impression de beauté.
Un idéal de pureté sous-tend l'élégie:
le poète cherche à transcender ses malheurs, la médiocrité
de son existence.
Le genre renaît au XVIe siècle, avec une définition
non plus formelle, mais thématique et tonale : l'élégie
devient un poème lyrique, mélancolique et méditatif.
On peut citer les Élégies de Ronsard (1565), La Fontaine
(1671), Thomas Gray (1751), Goethe (1790), Chénier (1819),
Rilke (1912-1915)...
Nombre de compositions peuvent être considérées
comme relevant du genre, même si elles n'en portent pas le nom
(les Méditations poétiques de Lamartine, 1820 ; les
Nuits de Musset, 1835-1841).
L'élégie est toujours pratiquée au XXe siècle
(ex.: Rilke), mais d'une manière beaucoup plus libre: il n'y
a plus nécessairement de références à
la nature, ni de souci d'ordre et d'harmonie. Le seul critère
qui demeure: le thème (ou la tonalité) de la mélancolie.
Auteurs
et oeuvres.
Callinos (VIIe siècle av. J.-C.,
poète grec), Élégies.
Tyrtée (VIIe siècle av. J.-C.), Embatéria.
Solon (v.-640 à v.-558).
Théognis (VIe siècle av. J.-C.).
Philétas (v.-340 à v.-290, poète grec).
Callimaque (v.-315 à v.-240, poète grec), Origines.
Tibulle (v.-50 à v.-19, poète latin), Élégies.
Properce (v.-47 à v.-15, poète latin), Élégies.
Ovide (-43 à 17, poète latin), les Tristes.
Akhtal (v.640-v.709, poète arabe).
"Abbas Ibn Al-Ahnaf (v.748-v.808, poète arabe).
Clément Marot (1496-1544), Élégies.
Du Bellay (1522-1560), les Regrets.
Pierre de Ronsard (1524-1585), Élégies, mascarades,
bergeries.
Camoens (1524-1580, poète portugais).
Edmund Spenser (1549 ou 1552-1599, poète anglais), Complaintes.
Théophile de Viau (1590-1626).
La Fontaine (1621-1695), Élégie aux nymphes de Vaux.
Edward Young (1683-1765, poète anglais), les Nuits.
Thomas Gray (1716-1771, poète anglais), Élégie
écrite dans un cimetière de campagne.
Salomon Gessner (1730-1788, poète suisse d'expression allemande),
Idylles.
Goethe (1749-1832, poète allemand), Élégies romaines.
Antoine de Bertin (1752-1790, poète), Amours.
Parny (1753-1814, poète français).
André Chénier (1762-1794), Élégies antiques.
Alphonse de Lamartine (1790-1869), les Méditations.
Shelley (1792-1822, poète anglais), l'Adonaïs.
Pouchkine (1799-1837, écrivain russe), Élégie
sur le portrait de F.-M. Barclay de Tolly.
Alfred de Musset (1810-1857), les Nuits.
Rilke (1875-1926, écrivain autrichien), les Élégies
de Duino.
Juan Ramon Jiménez (1881-1957, poète espagnol), Élégies
pures.
Bertolt Brecht (1898-1956, écrivain allemand), Élégies
de Buckow.
Suite: l'églogue
ou la bucolique