
Léo Ferré
LES ANARCHISTES
Y'en a pas un sur cent et
pourtant ils existent
La plupart Espagnols allez savoir pourquoi
Faut croire qu'en Espagne on ne les comprend pas
Les anarchistes
Ils ont tout ramassé
Des beignes et des pavés
Ils ont gueulé si fort
Qu'ils peuv'nt gueuler encor
Ils ont le cur devant
Et leurs rêves au mitan
Et puis l'âme toute rongée
Par des foutues idées
Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent
La plupart fils de rien ou bien fils de si peu
Qu'on ne les voit jamais que lorsqu'on a peur d'eux
Les anarchistes
Ils sont morts cent dix fois
Pour que dalle et pourquoi ?
Avec l'amour au poing
Sur la table ou sur rien
Avec l'air entêté
Qui fait le sang versé
Ils ont frappé si fort
Qu'ils peuv'nt frapper encor
Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent
Et s'il faut commencer par les coups d' pied au cul
Faudrait pas oublier qu' ça descend dans la rue
Les anarchistes
Ils ont un drapeau noir
En berne sur l'Espoir
Et la mélancolie
Pour traîner dans la vie
Des couteaux pour trancher
Le pain de l'Amitié
Et des armes rouillées
Pour ne pas oublier
Qu'y'en a pas un sur cent et qu' pourtant ils existent
Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous
Joyeux et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout
Les anarchistes
- 1966 -
paroles et musique Léo Ferré
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L'OPPRESSION
Ces mains bonnes à
tout même à tenir des armes
Dans ces rues que les hommes ont tracées pour ton bien
Ces rivages perdus vers lesquels tu t'acharnes
Où tu veux aborder
Et pour t'en empêcher
Les mains de l'oppression
Regarde-la gémir sur la gueule des gens
Avec les yeux fardés d'horaires et de rêves
Regarde-la se taire aux gorges du printemps
Avec les mains trahies par la faim qui se lève
Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l'on dit braqués sur les chiffres et la haine
Ces choses défendues vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l'oppression
Regarde-la pointer son sourire indécent
Sur la censure apprise et qui va à la messe
Regarde-la jouir dans ce jouet d'enfant
Et qui tue des fantômes en perdant ta jeunesse
Ces lois qui t'embarrassent au point de les nier
Dans les couloirs glacés de la nuit conseillère
Et l'Amour qui se lève à l'Université
Et qui t'envahira
Lorsque tu casseras
Les lois de l'oppression
Regarde-la flâner dans l'il de tes copains
Sous le couvert joyeux de soleils fraternels
Regarde-la glisser peu à peu dans leurs mains
Qui formeront des poings
Dès qu'ils auront atteint
L'âge de l'oppression
Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l'on dit braqués sur les chiffres et la haine
Ces choses défendues vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l'oppression
-1972-
Léo Ferré